Walter GROPIUS, architecte

Walter GROPIUS, Bruno TAUT, Adolf BEHNE, livret présenté à l'occasion de l'exposition à Berlin du "Conseil des travailleurs de l'art", en avril 1919 (cité dans Ulrich CONRADS, Programmes et manifestes de l'architecture du XXe siècle, éd de la Villette, 2017, p. 58)

Qu'est-ce que l'architecture? Rien moins que l'expression cristalline des plus nobles pensées humaines, de leur ardeur, de leur générosité, de leur foi, de leur religion? C'est ce qu'elle a été! Mais qui, dans notre maudite époque d'efficacité, comprend encore sa nature universelle, promesse de joie? Et nous allons par nos rues, par nos villes, et ne gémissons pas de honte devant ces déserts de laideur! Soyons clairs: ces pièges gris, vides, sans âme, dans lesquels nous vivons et travaillons, témoigneront devant les mondes à venir de la descente aux Enfers spirituelle de notre espèce, qui oubliera le seul grand art: l'architecture. N'imaginons pas non plus, du haut de notre prétention d'Européen, que la misérable production architecturale de notre siècle puisse relever la vision désolante de l'ensemble. Notre oeuvre n'est que fragments. Les réalisations de l'utile et de l'indispensable n'apaisent pas notre aspiration à un monde de beauté rebâti de fond en comble, et à la renaissance de cette communion spirituelle qui trouva son apothéose dans la merveilleuse cathédrale gothique. Cette communion est morte. Quelque chose peut pourtant nous réconforter: l'idée, l'élaboration d'une conception ardente, courageuse, prospective, de l'architecture, qu'une époque plus heureuse, à venir, permettra. Artistes, abattons enfin les murailles érigées entre les "arts" par notre savoir scolaire déformant! Appelons, concevons, créons ensemble la nouvelle conception de l'architecture. Peintres et sculpteurs, détruisez les barrières jusqu'à l'architecture et devenez constructeurs, compagnons de combat pour le but ultime de l'art: la conception créatrice de la cathédrale de l'avenir, forme unique réunissant architecture, scupture et peinture. (p. 58)

Ajouter un commentaire