Tadao ANDO, architecte

Le défi (Flammarion, 2018)

 

Il est difficile d’expliquer avec des mots comment l’architecture se crée. L’architecture doit posséder deux forces : la force de ne pas se laisser approcher, de tenir à l’écart, et celle d’envelopper. Comment exprimer un équilibre entre les deux ? Par exemple, quand je prends une photo, je veux qu’elle ne soit pas simplement belle : elle doit tenir à distance le spectateur, tout en attirant son esprit ; l’art s’établit par cet état d’équilibre. Il en est de même pour l’architecture. Mes ouvrages sont composés de murs et de colonnes. Dans beaucoup de constructions, les murs et les colonnes adhèrent les uns aux autres, mais en rendant mes murs et mes colonnes indépendants, je préserve le lien qui les unit, et dans le même temps je dois tout prendre en compte : fonctionnalité, rationalité, économie. En y introduisant des corps, je crée un nouveau monde qui tient à distance tout en enveloppant, et c’est alors que l’architecture reste dans l’esprit des hommes. Il y a là quelque chose de l’ordre de la littérature. Je me demande si ce n’est pas cela, la littérature. Prenons par exemple les haïku de Matsuo Basho. En trois vers de cinq, sept et cinq syllabes, ils forment un vaste monde qui, tout en vous éloignant, vous enveloppe. L’architecture peut-elle faire la même chose ? […] Il faut créer un monde qui s’ouvre à l’expérience de l’histoire, mais qui accueille tout aussi bien le temps présent et qui soit porteur d’espoir dans le futur. Il faut élaborer une expérience de l’architecture qui reste gravée dans l’âme de ceux qui l’ont vécue et qui leur donne du courage pour vivre. (p. 46-47)

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